• Le cartel Medellin

    Dans les années 70, quelques hommes originaires de Medellin, dont Jose Gonzalo Rodriguez Gach, trafiquant d'émeraudes, les frères Ochoa, ranchers, et un criminel de rue du nom de Pablo Escobar, s'allient à un jeune trafiquant de marijuana, Carlos Ledher, et montent un réseau de transport de cocaïne vers les États-Unis dans de petits avions. Issu d'une famille de la classe moyenne,  Pablo Escobar  débute par le vol comme nombre de petits truands. Puis il  commence à vendre de la marchandise à un  pilote américain, qui arrivait en Colombie avec son avion  et payait comptant en dollars. Ce commerce « lui semble alors facile: il y a peu de risques, c’est rentable. En plus, à l’époque, il ne faut tuer personne, ce qui lui est alors « important ». À cette époque, ce trafic ne fait pas la une des journaux et il  trouve cette activité normale.

    L ‘ascension

    Le cartel de Medellin va très vite accumuler des fortunes colossales et, fort de son succès, ambitionne de contrôler l'ensemble du trafic de drogue en Colombie,

    Au début des années 1980, Pablo Escobar parvient ainsi à s'intégrer un moment dans les rangs du "Nouveau Libéralisme" qui, avec Luis Carlos Galan, cherche à moraliser la vie publique ; après en avoir été publiquement expulsé en raison de ses activités, il réussit à se faire élire en 1982 comme suppléant d'un représentant libéral. Carlos Lehder, quant à lui, met sur pieds dans son département du Quindio un mouvement politique, le "Mouvement latin socialiste", qui parvient en peu de mois, en distribuant généreusement des gratifications, à rallier un électorat local considérable. C’est d'ailleurs à l'occasion de ces interventions politiques que les noms des trafiquants, restés jusque là relativement ignorés, commencent à s'étaler dans la presse. Celle-ci est loin de porter condamnation sur ces nouvelles figures : l'hebdomadaire le plus prestigieux, Semana, les décrit en 1983 comme des "Robin Hood". Le "banditisme social" fait, lui aussi partie de l'histoire colombienne: les narcotrafiquants donnent l'impression de le prolonger.

    Pablo Escobar  ira jusqu'à proposer publiquement de régler la dette nationale de la Colombie en échange de l'impunité;  le cartel de Medellin est alors en voie de s'accaparer le contrôle des institutions politiques et une partie importante du territoire colombien en infiltrant un à un, par la force ou la corruption, les pouvoirs publics, terrorisant la classe politique du pays en multipliant violences et assassinats…
    Élu en 1982, membre du Parlement colombien, il fait construire des routes, plus de 500 maisons, des hôpitaux et devient un héros pour les pauvres, mal informés de la réalité du personnage. Au sommet de sa carrière, il dispose de revenus considérables provenant du trafic de drogue et est terriblement dangereux. Pablo Escobar aurait, pendant toute sa carrière, amassé plus de quatre milliards de dollars US. Certaines œuvres ont contribué à faire d'Escobar une espèce Robin des Bois. Ses investissements ont parfois surpris l'opinion publique. L'un des plus célèbres a été le zoo de l'Hacienda Nápoles : deux mille acquisitions et plus de cent espèces exotiques importées d'Australie, du Sahara, du Canada, d'Europe, du Congo et d'Ethiopie. L’entrée au zoo était gratuite. « Le peuple en est propriétaire et on ne peut pas faire payer le propriétaire » déclarera Escobar à la presse. Il offrira aussi 400 logements à des familles pauvres. Des quartiers entiers de Medellín et de Envigado le désigneront comme étant leur bienfaiteur. Toute cela va contribuer à lui conférer une allure politiquement légitime.

    Selon l’hebdomadaire Cambio, Pablo Escobar, entretenait également des relations étroites avec Vladimiro Montesinos, le chef des services secrets péruviens et l’éminence grise du président Fujimori. Le parrain aurait participé au financement de la première campagne électorale de Fujimori. Le frère de Pablo Escobar, El Orsito (L’Ourson), confiera dans une interview que le parrain « aurait donné un million de dollars pour payer la campagne de Fujimori. En échange, les autorités péruviennes devaient fermer les yeux sur les chargements de pâte de coca » qui passaient la frontière.

    Risques politiques et sociaux…

    Ces aventures politiques tourneront vite court. Les deux partis traditionnels ne sont pas habitués à laisser mettre en danger leur monopole et ne peuvent surtout consentir à côtoyer trop ouvertement des personnages auxquels on impute déjà de nombreux crimes.

    Le trafic de  drogue commence alors à être perçu comme pouvant avoir des conséquences sur la société colombienne. Les gouvernements sont  obligés, et cela dès avant 1984, de considérer le risque que les narcotrafiquants acquièrent, au plan national, une capacité d'influence politique qui altère le fonctionnement du système politique.

    Ces nouveaux riches conquièrent du prestige  auprès de certaines couches de la population. Les largesses dont certains font preuve, tel Pablo Escobar finançant des équipements collectifs ou la construction de logements dans certains quartiers de Medellin, importent cependant  moins que le spectacle des réussites foudroyantes de quelques individus partis de rien. Dans une société bouleversée en l'espace de quelques années par des brassages de populations et par l'ébranlement des valeurs traditionnelles, de larges secteurs de la jeunesse urbaine voient en eux des héros qui réveillent des espérances populistes qui ont été, en Colombie, constamment frustrées.

    Une expansion rapide de la corruption se fait aussi  sentir dans beaucoup des domaines de la vie colombienne. Dans ceux de la justice, de la police et, plus généralement tout ce qui a trait à l'application des lois. Dans celui des activités économiques, l'argent de la drogue irrigue largement des secteurs comme la construction, le commerce, l'agriculture. Ne plus s'afficher officiellement aux côtés des trafiquants ne signifie pas toujours dédaigner leur concours financier. La montée en force d'un clientélisme régional de type "moderne", sert de palliatif à la crise de crédibilité qui touche les deux partis traditionnels. Cette aggravation de la corruption inquiète certains membres des élites colombiennes. Mais elle sera vue par  beaucoup d'autres comme  inévitable et modérément dommageable.

    Dures limites …

    Difficile , aussi, pour l’état,  d'ignorer les moyens d'intimidation déployés par les trafiquants pour faire taire ceux qui gênent leur activité. Pablo escobar  terrorise le pays à partir de 1984, assassinant juges, policiers, journalistes et hommes politiques. Il est convaincu d'avoir tué lui-même  plus de 100 personnes et est responsable de l’assassinat de trois des cinq candidats à la présidentielle colombienne de 1989. 

    Sa violence  va mener le cartel à un affrontement direct avec l'état.  Soupçonné d'être à l'origine de centaines de meurtres de fonctionnaires, juges, policiers, dignitaires et journalistes,  il sera emprisonné; mais il s'évade peu de temps après. Mais son emprisonnement, se présente, pour beaucoup, davantage comme une idée brillante d’Escobar lui-même pour assurer sa sécurité, que comme une stratégie officielle de l'Etat et du gouvernement colombiens pour l'amener à se soumettre. C'est que le 19 juin 1991, jour où il  s'était rendu aux autorités, la session plénière de l'Assemblée Constituante avait voté l'article 35 de la nouvelle Constitution interdisant l'extradition des ressortissants Colombiens. Une fois emprisonné, son action délictueuse ne s' arrêtera pas. Escobar s'évadera au cours d'une opération où l'on tentait son transfert. Selon l'ancien ministre de l'information, Mauricio Vargas, la responsabilité du président doit être mise en cause dans l'évasion spectaculaire et rocambolesque de Pablo Escobar, qui craignait son extradition aux États-Unis.,  de sa prison d'Envigado, une luxueuse résidence, en juillet 1992.
     
    La chute

    Selon la revue colombienne Semana, la mort d’Escobar aurait été le résultat d'une vaste opération américaine, dénommée Heavy Shadow (Ombre pesante), qui « mobilisait des équipes de la CIA, de la DEA, du FBI et de la NSA », c’est-à-dire, tous les services fédéraux de sécurité états-uniens. Cette opération « a coûté en fonds secrets, charges de personnels et armes, plusieurs centaines de millions de dollars ».
    Les policiers et les soldats d'élite du groupe spécial de recherche, arrivés à Medellín le 22 juillet 1992, réalisèrent près de 20 000 perquisitions dans la ville et dans toute la région.

    D’autres groupes sont sur ses traces : les tueurs à gage du cartel de Cali qui avaient eu avec le cartel de Medellín de nombreux règlements de comptes sanglants pour la prééminence de la livraison de drogue; les mercenaires américains, israéliens et autres, alléchés par la prime de plusieurs millions de dollars US offerte par le gouvernement et les organismes anti-stupéfiants américains; les nombreux proches et familles des « collaborateurs » qu'il avait fait tuer, et tous ceux qui avaient réussi à détourner l'argent du crime par millions de dollars. Début 1993, un nouveau groupe paramilitaire terroriste « Pepe » apparaît, décidé à éliminer Pablo Escobar, et fait régner la terreur sur la ville. Le 2 décembre 1993, après des mois de travail, l'équipe de surveillance du bloc de recherche, réussit à le repérer.  Le quartier général local de la PNC (Police Nationale Colombienne) est alerté, et l’équipe  est rejointe par un commando. L’affaire se termine par l'assaut et la mort du parrain alors qu'il tentait de fuir par le toit.

    Escobar ne suscitait plus autant de sympathie sur la fin de ses jours. Même si jamais personne n'a osé le dénoncer sur ses terres, même si sa tombe est l'une des plus visitée à Antoquia, Medellín n'a pu cacher son soulagement à l'annonce de sa mort.  Ceci étant dit, de nombreux groupes familiaux ont pris le relais du trafic et l’élimination de Pablo Escobar, loin d’affecter les livraisons de cocaïne aux États-Unis, aurait même favorisé la formation de supercartels qui menacent aujourd’hui bien plus sérieusement le gouvernement colombien qu'il ne l’avait jamais fait…


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